Jaan KAPLINSKI : « DIFFICILE DE DEVENIR LÉGER »
30 mai 2016

ACTES SUD junior 1996-2016 20 ANS DE PASSION POUR LE LIVRE JEUNESSE

Un bon anniversaire et un très grand merci à

Françoise Nyssen, Thierry Magnier, Kamy Pakdel, François Martin, Isabelle Péhourticq, Fanny Gauvin, Marine Tasso, Guillaume Berga, Christelle Grossin, Cathy Chamarty, Caroline de Salaberry, Johanna Brock, Nathalie Giquel, Camille Seube, Camille Desproges, Sophie Guyader, Clara Coupez, Pauline Capitani.

LES DOMAINES

Albums • Romans • Documentaires • Bandes dessinées • Livres-CD • Livres d’activités

LES COLLECTIONS

Les petits tracas de Théo et Léa • Crocolou • Les Quiquoi • Yoki le doudou • Les Trop Super • Lionel • Jean-Michel le caribou des bois • À petits pas • À très petits pas • Encore une fois • Ceux qui ont dit non • D’une seule voix • Guide des musées • C’est toi le détective ! • L’agence Malice et Réglisse • Livres-tapis •

Nombre de titres au catalogue : 1.000 • Nombre de publications annuelles : 120


JE LIS COMME JE RESPIRE

La lecture est une respiration, l’oxygène indispensable à l’évasion vers l’imaginaire, à la curiosité et à la découverte. Elle évacue le gaz carbonique des idées moroses. Lire, comme respirer, est un acte spontané, naturel et nécessaire à la vie. Lire, comme respirer, c’est se faire traverser par un souffle de liberté et de plaisir.

ELLE ME TENDIT LES LIVRES

“Peut-être ma grand-mère avait-elle appris, dans l’école où elle avait enseigné, que l’on n’impose pas la lecture aux enfants, que mieux vaut la leur faire désirer. Toujours est-il que la découverte de la lecture est pour moi liée à cette femme. (…) Telle qu’elle m’avait été enseignée, la lecture rassemblait la force de l’idée et la fièvre du sentiment, la beauté générative de la phrase et la subtile efficacité des mots, l’art de conter comme on bâtit et la complicité ouvrière de la voix.”

Extrait de « Éloge de la lecture », Hubert Nyssen.

AU COMMENCEMENT…

Créées en 1978 dans un village provençal de la vallée des Baux par Hubert Nyssen et sa femme Christine Le Boeuf, bientôt rejoints par les autres fondateurs Françoise Nyssen, Bertrand Py et Jean-Paul Capitani, les éditions Actes Sud développent une politique éditoriale généraliste. Très vite, elles sont distinguées non seulement par leur implantation en région, leur identité graphique, leur volonté d’indépendance mais aussi un

esprit de découverte et de partage. Si, dès l’origine, leur catalogue réserve une place essentielle à la littérature, française comme étrangère, il accueille aussi d’autres disciplines artistiques comme le théâtre, la musique, l’art… Il n’est donc pas surprenant qu’Hubert Nyssen et sa fille Françoise décident en 1995 d’ouvrir leur maison à la littérature pour la jeunesse. Ensemble, ils créent Actes Sud Junior dont les parutions destinées aux jeunes lecteurs déclinent les mêmes qualités graphiques et narratives que celles qui font l’image de la maison. Ils confient la direction de ce département à Madeleine Thoby qui publie deux premiers livres de comptines, à l’occasion du Salon du Livre de Montreuil. Mais l’aventure éditoriale démarre véritablement l’année suivante. En 2005, Thierry Magnier rejoint Actes Sud Junior tout en restant à la tête de sa propre maison d’édition. Entouré de deux éditeurs, Isabelle Péhourticq et François Martin, il infléchit la ligne éditoriale initiale, l’élargit et la précise, toujours avec la même exigence à l’égard des lecteurs. En 2013, Kamy Pakdel est nommé directeur de création pour renforcer l’image graphique et contribuer à en inventer une autre.

ENTRETIEN AVEC THIERRY MAGNIER

Thierry MAGNIER

Comment perceviez-vous l’identité d’Actes Sud Junior avant votre arrivée ?
La force des premiers titres fut de permettre une identification immédiate à l’image Actes Sud. Papier vergé ivoire, format oblong... Avec en plus un jeu de cadre et une option esthétique “rétro” qui tranchait sur les usages du secteur de l’époque. Dans une programmation sage, on relève toutefois la fiction documentaire de la psychothérapeute Virginie Dumont, J’ai peur du monsieur, qui met en garde contre les agressions sexuelles dont les enfants sont la cible, La Petite Josette d’Anne Sylvestre ou la très militante fable d’Adela Turin, Rose bonbon.

Éditeur vous-même depuis 1998, vous acceptez de prendre la succession de Madeleine Thoby en 2006. Comment avez-vous abordé cette nouvelle fonction ?
J’avais deux obsessions : ne pas lâcher ma propre maison, les éditions Thierry Magnier, et mettre ma patte sur celle d’Actes Sud Junior. J’ai changé la donne. Réunissant les acteurs de la maison, on a tout remis à plat. Certains, comme Isabelle Péhourticq, auparavant chargée de la cession des droits et tentée par l’éditorial, ont changé de mission. Avec un premier cercle restreint, on a redéfini une ligne claire, renonçant au papier ivoire qui éteint les couleurs, restaurant le blanc de la page et travaillant sans filet (dans la maquette des couvertures comme dans les esprits) et en ouvrant le catalogue à de nouveaux talents. Cette renaissance s’est accompagnée de la mise en place de passerelles avec les auteurs du catalogue “adulte” d’Actes Sud (Mathias Enard, Laurent Gaudé, Camilla Läckberg…), de la fédération des moyens et des savoirs (fabrication, gestion), hormis la communication et les contacts avec la presse, autonome, mais désormais assurés en interne pour Actes Sud.

Avec l’entrée du Rouergue Jeunesse, puis d’Hélium dans ce jeu collectif, y a-t-il eu un nouveau défi pour l’homme qui a désormais plus de maisons que Cadet Rousselle ?
Le Rouergue Jeunesse, avec Olivier Douzou que j’ai rappelé pour qu’il pilote à nouveau un secteur qu’il avait inventé, et Sylvie Gracia, avait une image très forte. Ma mission consistait à mettre en musique le trio, à construire avec trois couleurs différentes et complémentaires un vrai pôle “jeunesse”. Sophie Giraud, qui entendait poursuivre l’aventure d’Hélium née en 2008, en nous rejoignant en 2011, n’a eu aucun mal à s’intégrer dans la composition, apportant sa propre nuance au tableau.

Et demain, quels défis ?
Avec une production de 120 titres par an pour Actes Sud Junior et 260 titres pour les 4 maisons réunies – et rien que de la création – le défi est de faire connaître ce chantier formidable. Par des expositions itinérantes, une galerie, des produits dérivés qui déclinent les personnages forts de nos catalogues, en respectant toujours la signature artistique des créateurs. C’est un projet exaltant, non ?


ENTRETIEN AVEC FRANÇOISE NYSSEN

Françoise NYSSEN

Quel était votre projet lorsque vous avez, avec votre père, lancé Actes Sud Junior ?
En fait il n’y avait rien de prémédité ou de prédéterminé, comme toujours. À l’instar de ce qui s’est passé lorsque nous avons ouvert le champ des beaux livres – Michel Tournier rêvait de ces Jardins de curé que nous avons fini par faire ensemble même si jusque-là nous nous étions retenus d’investir ce champ éditorial – tout a été affaire de rencontre. Madeleine Thoby, qui aimait bien mon père, est venue nous proposer d’inventer un département jeunesse qu’elle voulait cohérent et complice de la ligne de la maison. Le choix du format comme du papier utilisé résonnait parfaitement avec les livres de littérature générale de la maison. Comme nous étions tous émerveillés par ce qui se passait dans le secteur jeunesse – Christine Le Boeuf, comme mon père, avaient du reste inscrit leurs noms au catalogue de L’École des loisirs (L’Étrange Guerre des fourmis) – et mesurions, en libraires, la place de ce secteur au dynamisme remarquable, la proposition de Madeleine nous mit dans l’envie et l’affaire fut lancée. Mais d’emblée le département fut autonome, et Madeleine géra à sa façon de Paris – comme nous l’avions admis pour Actes Sud-Papiers ou Sindbad – ce domaine que nous nous contentions d’accueillir, y prêtant juste notre concours et notre bienveillance.

Aujourd’hui quelle est, à vos yeux, l’identité d’Actes Sud Junior ?
Le singulier me gêne. Au coeur des éditeurs associés (Actes Sud, Thierry Magnier, Le Rouergue, Hélium), Actes Sud Junior a une vocation du multiple. Elle illustre notre désir d’une maison où les auteurs peuvent aller librement à tous les étages. La circulation et l’“indisciplinarité” étant de mise. Et notre catalogue n’en est que plus ouvert, plus riche de cette option. C’est ce qui s’affiche depuis peu avec la galerie-librairie Les Originaux, que nous avons ouverte rue Saint-André-des-Arts à Paris. C’était une idée de Thierry qui tient beaucoup à ce qu’on expose et fasse circuler les originaux de nos créateurs, qu’on puisse montrer le travail graphique qui fait le livre autant que son texte.

À l’heure de célébrer les 20 ans de l’aventure, quelles pistes d’avenir souhaitez-vous emprunter ?
En accompagnement des publications, outre l’étroite collaboration avec le monde des librairies et des salons et la galerie qui permet de proposer à la vente des originaux comme de faire circuler à la demande les expositions présentées, nous travaillons à la réalisation de produits dérivés qui répondent à la même double priorité que le livre : l’exigence et le plaisir. Ma fille Pauline Capitani, qui apporte son concours à ce nouveau chantier, partage notre souci de garder une juste mesure sur une aventure peut s’avérer décisive, sans suivre les facilités du modèle Disney. C’est à ce prix que l’histoire doit continuer de s’écrire.

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